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Les ligatures

Remarques préliminaires
Ligatures doubles
Ligatures multiples    exercices
A vos marques !
Ligatures Josquin


L'observation des quelques fac-simile reproduits sur le site révèle des symboles étranges à première vue bien qu'esthétiques.
Certes, la graphie anguleuse des notes écrites séparément ne nous empêchera pas d'y reconnaître les brèves (nos carrées modernes), semi-brèves (rondes), minimes (blanches), semi-minimes (noires), et enfin les fuses (croches) plutôt rares jusqu'en 1500. En revanche, certaines successions de carrés, rectangles ou parallélogrammes liés les uns aux autres ne laissent pas d'intriguer : ces ligatures font justement l'objet de cette page.

Mx L B S M Sm F Sf
maxime 2 ou maxime 1 longue brève semi-brève minime semi-minime fuse semi-fuse

 

Remarques préliminaires

Auparavant, remarquons que la valeur des notes a subi une sorte d'inflation, comme en témoigne le nom de la brève (carrée moderne), qui fut un jour la plus... brève ! De fait nous rencontrerons ci-dessous des longues et même des maximes. Lorsqu'elles ne constituent pas l'essentiel du discours, il n'y aucune raison, à mon goût, de succomber à cette effarante manie de diviser par 2, 4, ou 8 la valeur des notes ! Ce qui revient à faire correspondre, par exemple, les semi-minimes (noires) du manuscrit à des doubles croches. Même en mettant de côté l'aspect purement visuel, il me semble difficile d'interpréter l'une ou l'autre partition avec exactement les mêmes sentiments...
Les amplitudes rythmiques très importantes - comme celle introduite par l'ornementation d'un ténor en valeurs longues - étaient astucieusement notées par l'emploi du système des proportions qui enjoignait de lire plus vite ou moins vite des symboles de notes inchangés. Je laisserai de côté ce système dont certains aspects fort controversés - à l'époque déjà - me dépassent tout simplement. Je pourrais paraphraser les bons auteurs dans les cas simples, et rapporter leurs propres doutes dans les cas problématiques, mais certainement pas élaborer une thèse personnelle faute d'avoir, comme eux, étudié des centaines de manuscrits !

Il y a une autre chose que vous ne trouverez pas ici : la valeur effective des notes ou de leurs silences associés, puisqu'elle était variable selon la mensuration placée en début ou en cours de portée, selon les notes voisines, et selon leur couleur, car vous rencontrerez par exemple des brèves ou des semi-brèves entièrement noires, parfois même quelques notes rouges !
C'est ce que j'appelle la grammaire du système, par opposition aux règles lexicales pour les ligatures vues ci-dessous, qui établissent une correspondance biunivoque entre les symboles et le nom des notes : maximes (Mx), longues (L), brèves (B), semi-brèves (S).
(vu l'importance du sujet, les pages sur la mensuration vous sont proposées à part).

Et maintenant, au fait !

 

Ligatures doubles

En premier lieu, les ligatures ne contiennent jamais de minimes ou de notes plus courtes.
Les maximes s'y rencontrent parfois, les semi-brèves en revanche très souvent.
Quant aux brèves (B) et aux longues (L), elles constituent le coeur même du système.

En effet ce dernier consiste à considérer au départ les 4 combinaisons rythmiques envisageables avec ces deux notes : B L (point de départ), puis L L, ou B B, ou L B.

Le point de départ B L n'est pas le fait du hasard, il trouve son origine dans les anciens modes rythmiques antérieurs de plusieurs centaines d'années. En dire plus ici dépasserait toutefois mon propos (et, soit dit en passant, mes connaissances actuelles !).
Les symboles et les règles présentés ici correspondent donc à la dernière période pendant laquelle le système s'est stabilisé avant de disparaître : 1450-1600 environ.

Voici donc la ligature du rythme de base B L descendant :  BL inf
Et voici celle du rythme de base B L montant :  BL sup

On obtient les autres en faisant varier l'un ou l'autre aspect graphique pour changer la brève en longue ou inversement.

Pour une ligature descendante, l'élément clé est la présence ou l'absence de hampe gauche pour la note de gauche, ou une graphie en diagonale pour la note de droite :

LL inf = L L le retrait de la hampe gauche du rythme de base change la première note en L.
BB inf = B B en raison de la graphie diagonale à droite (en repartant du rythme de base).
LB inf = L B inversion du rythme de base car les deux changements furent appliqués.

Pour une ligature montante, l'élément clé est la présence ou l'absence de hampe droite pour l'une ou l'autre des notes :

LL sup = L L par ajout d'une hampe droite à la note de gauche.
BB sup = B B par retrait de la hampe de droite.
LBsup = L B par cumul des deux changements précédents.

Remarquer que la longue longue apparaît dans 3 ligatures montantes (celle de base comprise).

Ligatures de semi-brèves

On rencontre fréquemment le motif  S S caractérisé par une hampe supérieure à gauche :

SS inf 1 ou SS inf 2 = S S descendant.
SS sup 1 ou SS sup 2 = S S montant.

Remarques techniques

Ligatures diagonales : l'allongement du parallélogramme imposé par un intervalle sonore important ne change pas le symbole en un glissando ! Il n'y a jamais que 2 notes, celle de départ et celle d'arrivée.

Segments internes : pour les mêmes raisons, il arrive que des notes doivent être reliées par des lignes ne les dépassant pas de part et d'autre vers le haut ou le bas ; une telle ligne doit être ignorée totalement dans l'interprétation de la ligature :
pas hampe n'est pas une hampe signifiante, mais un segment purement technique (valeur B B) !

 

Ligatures multiples

Leur interprétation s'effectue en deux étapes :

Repérer tout d'abord l'une des séquences indiquées ci-dessous comme prioritaires, dont l'interprétation est indépendante de leur position dans la ligature multiple.

Analyser ensuite les symboles restants selon des règles simples mais assez nombreuses pour m'avoir posé des problèmes de mémoire. Je les ai donc résumées dans un diagramme que je me fais un plaisir de soumettre à votre appréciation...


Règles de base prioritaires

En toute position longue = L, ce qui se vérifiait déjà pour une ligature double.
En toute position SS inf 1 ou SS inf 2 = S S descendante, et SS sup 1 ou SS sup 2 = S S montante, la hampe supérieure gauche étant à nouveau l'élément clé comme pour une ligature double.

Il n'existe apparemment qu'une séquence de base mélangeant S et B, et pour la constituer il ne restait guère d'autre choix que d'inverser la hampe de droite : SB sup = S B très rare comme indiqué par Apel référencé en bibliographie. Si cet auteur ne mentionne pas la séquence S B descendante SB inf c'est qu'il ne l'a pas rencontrée... et je vous assure que moi non plus :-)
Mais je lui en veux un peu de surcharger ma mémoire en mentionnant l'unique ligature S L comme un cas particulier, car il me semble que cette séquence SL sup découle naturellement des deux règles de base...


Analyse des symboles restants

Leur interprétation dépend à nouveau de leur position horizontale dans une ligature de trois notes ou parfois davantage (les ligatures se font plus rares à mesure qu'on avance dans le temps). Qu'on me pardonne cet anachronisme, mais en pensant à des feux de circulation je distinguerai donc : la note en tête de séquence, puis celle ou celles intermédiaires désignées dans la suite par milieu, et enfin la note en queue de séquence.

D'accord, on ne peut exclure l'idée de lampions destinés à réguler la circulation à cheval, mais jusqu'ici aucun fait à ma connaissance n'est venu étayer cette thèse :-).

De plus la position verticale des notes de tête et de queue intervient également (pour les notes intermédiaires elle est indifférente, à condition d'avoir bien appliqué les règles de base). Dès lors, pourquoi ne pas penser au ciel et à la terre pour visualiser ces positions ?


Mon petit truc à moi

Voici donc le diagramme qui m'a personnellement aidé à mémoriser les règles :

diagramme
Interprétation du diagramme


brève en tête et en bas vaut B ;
brève ou diag hg en tête et en haut vaut L ;
drapeau en tête vaut B  (position verticale indifférente) ;
une note de forme quelconque au milieu vaut B  (même remarque) ;
brève en haut en queue vaut B ;
diag bd en bas en queue vaut B.
brève en bas en queue vaut L.

L'application successive des règles de base puis du diagramme est équivalente à l'exposé de Apel déjà cité en ses pages 91 et 92.


Dès lors, il suffit même de retenir ce cas multiple, le cas particulier des ligatures doubles pouvant en être déduit a posteriori :
  • appliquer les règles prioritaires (longue et semi-brèves) ;
  • interpréter les notes restantes à l'aide du diagramme privé de son centre ;
  • convenir qu'une séquence manquante dans le diagramme résulte d'une "victoire" de la diagonale sur le carré : drapeau + diag bd donnant BB inf par exemple.


Un exemple tiré de Apel
exemple règle prioritaire : 5 = L
diagramme : 1 = B (en tête)
diagramme milieu, forme quelconque : 2, 3, 4 = B
diagramme : 6 = L (en bas en queue : la hampe appartenait à la 5)

résultat final : B B B B L L


Et les maximes ?

Elles s'intègrent aux règles sans les changer, si l'on se souvient des deux formes maxime 2 ou maxime 1
Ainsi Apel donne l'exemple BMxL 1 (pouvant s'écrire aussi BMxL 2) valant B Mx L, dans lequel la hampe appartient bien à la maxime, puisqu'aucune des règles n'assigne de hampe gauche à une note si ce n'est en position initiale.


Testez vos connaissances

Amusez-vous à parcourir cette série d'exercices reçus tout récemment ! Elle sera enrichie d'exemples réels tirés de fac-similes, à mesure de mes rencontres.

 

A vos marques !

Maintenant vous êtes prêts à transcrire les ligatures comme celle du haut de la page en une séquence de lettres ou de figures de notes séparées (ce qui revient au même). Soit dit en passant, vous ne rencontrerez jamais 2 notes ligaturées à la même hauteur : ce motif ne peut être écrit, il est donc représenté par deux ligatures séparées ou par des notes isolées.

Et pour finir sur une bonne surprise, je vais contredire en partie mon introduction : si vous voyez en début de portée un symbole ressemblant à notre C moderne, il s'agit d'une mensuration binaire dite tempus imperfectum caractérisée par l'équivalence B = 2 S.

Pour les valeurs plus petites, vérifiez bien qu'il n'y rien dans le C qui ressemble à un point, dans ce cas vous avez également S = 2 M.
En dessous de la minime, c'est facile : M = 2 Sm ; Sm = 2 F ; etc, comme de nos jours !

Pour les valeurs supérieures, le plus souvent vous pourrez compter sur L = 2 B et Mx = 2 L.

La longue en fin de pièce est en quelque sorte une note de remplissage : elle doit être tenue autant que nécessaire pour accompagner les autres voix jusqu'au silence général.

Ainsi, avec un peu de chance vous aurez le grand plaisir de pouvoir créer quelques bribes de musique à partir de ces étranges symboles, ce qui est tout de même le but du jeu !




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